Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

PHILOSOPHIE, SOCIOLOGIE, POLITIQUE, HISTOIRE, EDUCATION, ENVIRONNEMENT, RECHERCHES EN SCIENCES HUMAINES

04 Nov

Notes de lecture - Gardenförs, Comment homo est devenu Sapiens, 2007

Publié par J. Correia  - Catégories :  #anthropologie, #épistémologie génétique

Notes de lecture - Gardenförs, Comment homo est devenu Sapiens, 2007

Tombé dessus par hasard dans le musée d'un site archéologique, j'ai découvert avec ce livre tout un continent de la pensée encore peu connu en France : la philosophie et les sciences cognitives suédoises.

Premier point intéressant, malgré la présentation sous forme de dialogue imaginaire, la rigueur du propos est totalement préservée.

Le principal objectif de ce livre est de faire le récit de l’apparition de la pensée.

En convoquant une multitudes de disciplines comme l'épistémologie génétique, la linguistique, l'anthropologie, la philosophie, les sciences cognitives et d'autres, l'auteur revient sur ce qui fait l'originalité de la vie humaine par rapport au monde animal.

Un vieux débat philosophique, que l'on peut considérer comme tranché (l'être humain ne serait qu'un animal parmi d'autres) mais qui pose toujours question : pourquoi une telle différence ? Pourquoi l'homme est-il si seul ?

On revisite ici les termes que l'on réserve généralement à l'humain : les émotions, la mémoire, la communication, la conscience de soi, la planification, l'utilisation d'outils, le libre arbitre, le langage...

Même si, au final, l'auteur aboutit à une distinction que l'on aurait aimé moins catégorique entre le monde animal et celui de l'homme, sa démarche est remarquable en ce qu'elle représente comme une tentative d'historiciser les acquis de l'épistémologie génétique, de les placer dans une perspective évolutionniste, de montrer l'évolution (liée à l'histoire de l'hominisation) par strate de cette faculté de pensée si propre à l'être humain.

 

 

1. La pensée considérée selon le point de vue évolutionniste

Le premier chapitre revient sur les sensations, première source d'information sur le monde qui nous environne. Première remarque : il existe plus de 5 sens. le toucher par exemple peut être divisé en sensations de température, pression et de douleur. Il faut également rajouter les sensations proprioceptives qui nous informent de l’emplacement des parties de notre corps et de leurs mouvements.

 

2. Sensations, perceptions et imaginations

Gardenförs s’attelle ensuite à décrire les différentes formes de pensée :

  1. Les sensations – impressions sensorielles immédiates

  2. Les perceptions – impressions sensorielles interprétées

  3. imaginations – représentations détachées

Selon Gardenförs, les différentes fonctions sont apparues dans cet ordre au cours de l’évolution

Avoir des sensations c'est être conscient du monde. Descartes disait : cogito, ergo sum. N. Humphrey remplace par « sentio, ergo sum » La condition minimum pour être conscient est d’avoir des sensations.

Gardenförs fait un intéressant développement sur l'art particulier de viser. L'art de viser est propre aux hominidés. Savoir viser a une grande valeur évolutionniste.

Pour viser, on ne peut pas se servir des sensations : les signaux qui proviennent des muscles sont trop lents : entre 200 et 450 millisecondes. Durant ce laps de temps, un bon coureur fait entre 2 et 5 mètres.

Du coup le cerveau a créé une sorte de simulateur qui estime le résultat anticipé des signaux envoyés aux muscles. C’est du bluff : le simulateur ne reçoit pas d’impression sensible mais le fait croire au cerveau.

La sensation relate ce qui arrive dans le présent tandis que les perceptions fournissent des informations sur la structure spatiale du monde et les objets qui s’y trouvent. L’hypothèse de Gardenförs est que les perceptions se basent sur le type de simulateur que l’on vient de voir : « Les perceptions sont des sensations renforcées par des simulations ».

L'évolution des hominidés nous a ainsi grandement avantagé : « Nous avons été dotés d’un cerveau qui parachève les modèles incomplets, car de tels mécanismes améliorent nos chances de survie. »

Gardenförs appelle cela les perceptions catégorielles. Il précise au passage que la perception fait rentrer nos sensations dans des catégories connues, et déforme à terme la sensation originale.

Le monde qui nous entoure est en grande partie une construction.

Pour convaincre de son propos, Gardenförs rapproche cela de ce que Jean Piaget appelle la permanence de l’objet . La permanence de l’objet est un simulateur qui n’existe pas chez toutes les espèces.

Un chat qui voit une souris passer derrière un obstacle va l’attendre de l’autre bout, même en l’absence de tout signaux sensoriels. Un serpent attendra, sans rien faire jusqu’à ce que ses sens lui rappelle la présence d’une proie. Il n’aura jamais l’idée de contourner l’obstacle.

 

La recherche des causes

L'auteur engage alors une réflexion sur le concept de CAUSALITE.

Premier constat : les humains ont une nette tendance à rechercher les causes.

On distingue 4 types de processus ici mis dans l’ordre évolutionniste :

  1. être capable de prévoir les effets physiques de nos propres actions

  2. être capable de prévoir les effets des actions des autres

  3. comprendre les causes des actions des autres

  4. comprendre les causes des effets physiques

Les singes n’arrivent pas au niveau 4, alors que les enfants humains y arrivent.

« Les causes ne font pas partie de nos sensations mais les simulateurs qui génèrent nos perceptions les remplacent. De cette façon nous percevons les causes… » L'auteur cite les travaux de Tomasello & Call, 1997 : « les propositions causales […] sont des descriptions en termes anthropomorphiques des relations entre les événements naturels. ». Comme un écho des recherches de David Hume !

Cette tendance chez l'homme est particulièrement développée :

« La tendance à cherche des mécanismes cachés est tellement forte chez les humains qu'on peut parler d'instinct causal. Cet instinct est en grande partie bénéfique pour nos capacités anticipatoires, mais parfois nous la poussons à l'extrême. Nous sollicitons des connexions causales également dans des cas où il n'y en a pas. Des événements purement aléatoires, tels que gagner à la loterie, sont interprétés comme étant le résultat de la 'chance'. La chance n'existe pas ; le fait que nous parlions de chance est seulement un reflet de notre instinct incurable de trouver des causes. »

Gardenförs note au passage que cela pourrait expliquer pourquoi : « Nous avons un violent désir de trouver un sens au monde »

Grâce aux simulateurs, l’esprit est capable de produire une image de ce qui va se produire : « Le pouvoir de l’imagination est décisif pour le développement des processus de pensée les plus évolués »

L'auteur aborde donc l'imagination comme une faculté vide. L’imagination est « nue », elle vient sans sensation. L'auteur cite John Locke qui écrit dans son Essai philosophique sur l’entendement : « la douleur du chaud ou du froid, lorsque l’idée est ravivée dans notre esprit, ne nous procure pas les troubles qui, lorsque nous les avons ressentis, furent très pénibles. »

Il semble nécessaire, à ce stade, de faire une distinction entre les représentations rattachées à un signal et celles qui sont détachées. Gardenförs émet l'hypothèse que les représentations rattachées ont précédé les représentations détachées dans la perspective évolutionniste.

 

3. Le monde intérieur

L’imagination permet de simuler divers essais. Cela représente un intérêt évolutionniste certain puisque permet de tenter des stratégies sans avoir à en subir les échecs. En reprenant l’expression de Karl Popper, on peut dire que notre monde intérieur permet à nos hypothèses de mourir à notre place.

Cette faculté est différemment distribuée parmi les êtres vivants. On peut le constater par exemple à travers le jeu : les mammifères jouent mais pas les reptiles. Jouer permet certes d’enchaîner des mouvements, mais certains jeux peuvent être le moyen de construire un monde intérieur.

La faculté de se représenter dans son monde intérieur différentes actions pour atteindre un objectif fait entrer en ligne de compte les notions de choix et de planification

« La faculté d’un choix conscient présuppose l’existence d’un monde intérieur »

Attention : différence entre être capable de choisir, ce qui peut se faire de façon inconsciente, et libre arbitre : qui suppose être capable de réfléchir sur les choix disponibles

Certains comportements animaux ressemblent à de la planification. Les grands singes par exemple peuvent planifier, mais parce qu’ils on faim ou soif, ou sont terrorisés. Leurs motivations proviennent de l’état présent de leur corps.

« L’homme semble être le seul animal qui puisse anticiper ses besoins futurs »

Nous construisons des abris avant même l’hiver. Les chimpanzés peuvent construire des camps mais seulement pour la nuit qui vient.

Cela montre que seule la pensée humaine peut se détacher de la situation présente et a la faculté d’anticiper.

Une expérience avec des chimpanzés montre que si l’on propose deux paquets de cacahuètes de taille différente et qu’à chaque fois le chimpanzé désigne le plus grand, c’est l’autre qui lui est donné, il continuera toujours à désigner le plus grand : la solution indirecte (choisir la plus petite pour obtenir la plus grande) est comme éclipsée par la présence d’un stimulus direct plus attirant… Les chimpanzés ne peuvent pas supprimer leurs perceptions.

Les chimpanzés peuvent prévoir, faire un planning dans le but de satisfaire des besoins présents (ex : aller chercher un bâton pour attraper les termites dans leur termitière) Tandis que pour des besoins futurs, il est nécessaire d’avoir une représentation détachée.

Fabriquer un feu est un exemple de cette faculté anticipatoire : prévoir du bois avant que le feu ne s’éteigne, comprendre que lorsque le feu s’éteint, le froid ou le danger peut revenir, etc.

 

Fabrication d’outils

Les chimpanzés ne fabriquent des outils que lorsqu’ils en ont besoin. Et ils ne les transportent jamais (ne pensent pas aux besoins futurs). L’homo habilis pouvait prévoir qu’il aurait besoin de son outil le lendemain et par conséquent le transportait avec lui. Faculté d’anticipation.

« Cette faculté d’anticipation donne naissance à une situation fondamentalement difficile pour l’homme ». En effet, la satisfaction de besoins futurs vient perturber celle des besoins actuels. Nous devons choisir entre le confort maintenant et les besoins futurs…

S. Kierkegaard évoquait déjà cette « maladie » du désespoir proprement humain : « Être passible de ce mal nous place au-dessus de la bête, progrès qui nous distingue bien autrement que la marche verticale, signe de notre verticalité infinie ou du sublime de notre spiritualité » Kierkegaard, 1849.

 

4. Lire dans les pensées d’autrui

La question que Gardenförs estime cruciale est de savoir si un être a une représentation du monde intérieur d’autrui.

Les expressions des animaux sont pour nous lisibles. Gardenförs s'étonne des propos de Descartes : « Difficile de comprendre comment Descartes pouvait affirmer que les animaux sont justes des automates sophistiqués, certes, mais sans âme ni morale »

Plusieurs niveaux possibles

Lire sur le visage des autres : les primates peuvent compatir à la douleur d’un des leurs ou d’un humain en lisant sur le visage. L'avantage évolutionniste est clair : une plus grande solidarité dans le groupe.

Lire le regard des autres : les humains savent très bien le faire. Regarder dans la même direction qu’un autre individu. Un bébé humain peut le faire dès l’âge de 6 mois. Mais si l’individu regarde derrière le sujet, c’est plus difficile car cela demande une représentation détachée de l’espace qu’il y a derrière lui : l’enfant n’y arrivera qu’à 18 mois.

Prendre le point de vue de l’autre : Gardenförs a recours à l'Expérience des 3 montagnes de Piaget. Un enfant est placé devant deux petites pyramides. Une troisième, plus grande est placée derrière celle-ci, encore plus loin, il peut voir une poupée. Lorsqu’on lui demande de dessiner ce que voit la poupée, il n’y parvient qu’à l’âge de 7 ans environ.

 

Rappel : les 4 causes

  1. être capable de prévoir les effets physiques de nos propres actions

  2. être capable de prévoir les effets des actions des autres

  3. comprendre les causes des actions des autres

  1. comprendre les causes des effets physiques

Nous avons vu que les singes, grands et petits, ont de grosses difficultés avec le 4ème niveau. Les intentions étant des cas particuliers de cause.

Est-ce que les animaux comprennent que les intentions peuvent être des causes des actions d’autres individus ?

Certains comportement des primates peuvent nous faire penser qu’ils maîtrisent le niveau 3. Ils peuvent par exemple comprendre qu’un dominant ne veut pas que telle chose se produise parce qu’il a montré ses dents… Mais en réalité, il s’agit de comportement instinctifs.. D’autres expériences ont prouvé qu’ils ne comprenaient pas les intentions.

 

Une expérience avec des chimpanzés teste leur aptitude à comprendre que « voir c’est savoir ». Deux humains, l’un avec les yeux bandés, l’autre ouverts. Celui qui a les yeux ouverts sait où est caché la nourriture, l’autre non. Les chimpanzés s’adressent pour moitié à celui qui a les yeux ouverts. Il faut de l’entraînement pour que tous comprennent que celui qui n’a pas les yeux bandés sait où est la nourriture. Ils n’y arrivent qu’à force de répétition, donc de conditionnement. En fait ils ne choisissent que par rapport à l’absence de bandage. Que les yeux soient fermés ou ouverts ne change rien… Les enfants humains y arrivent à partir de 4-5 ans.

134. Les primates peuvent donc gérer les niveaux 1 & 2. Et le niveau 3 lorsqu’il s’agit de « relation » mais pas lorsqu’il s’agit d’intention. Ils sont très mauvais au niveau 4.

 

5. La conscience de soi

L'auteur invite à distinguer deux sortes de conscience :

  • Conscience / expérience

  • Conscience réflexive (conscience de soi)

La première repose sur la perception extérieure, tandis que la seconde est fondamentalement orientée vers la perception du monde intérieur.

Il existe une communication animale mais elle semble concerner uniquement ce qui se passe au présent. Alors que la communication humaine fait le plus souvent référence à notre monde intérieur (mémoire, souhaits pour l’avenir…)

Ce que Gardenförs laisse dès à présent entendre est que le langage, dans sa version humaine, présuppose a minima une conscience réflexive.

Cette conscience réflexive peut se définir par plusieurs points :

La conscience de la mort présuppose la conscience de soi et l'idée qu'elle peut avoir une fin. L'enfant prend conscience de sa mortalité à un certain âge ; il en sera transformé pour toujours. Seul l'homme semble avoir ce problème. Gardenförs se demande s'il ne s'agit pas d'une impasse évolutionniste.

La conscience de soi est aussi une condition du libre-arbitre, c'est-à-dire que pour être libre, il faut avoir conscience de ses désirs. En effet, la liberté n'exige pas seulement de 'vouloir'. Il faut en être conscient, pouvoir choisir ses désirs, ce qui veut dire, fait remarquer l'auteur, pouvoir choisir y compris un désir qui nous est nuisible comme dans Carnets des sous-sols de Dostoïevski où le héros tente de vérifier que l'on peut vouloir contre son intérêt...

C'est à ce stade que l'on peut parler de moralité, ici basiquement définie comme la faculté de pouvoir choisir nos actes.

La moralité présuppose donc cette conscience réflexive. L'épistémologie génétique le confirme et Gardenförs s'appuie sur les travaux de Piaget : « Jean Piaget affirme que les valeurs morales de l'enfant ne découlent pas de l'observance des règles de ses parents ou d'autres autorités, mais de sa faculté à ressentir de l'empathie envers les autres ». Cette capacité à se mettre à la place des autres exige notamment d'avoir un retour réflexif sur soi, mais également comprendre qu'autrui dispose de cette faculté.

Remarque personnelle : sur ce sujet, les populations nordiques semblent avoir pris un train d'avance. En effet, au Danemark par exemple, il existe des cours d'empathie obligatoires dans les écoles primaires. On sait que cela est autant acquis qu'inné. Donc, pourquoi ne pas en faire un objet d'apprentissage dans nos écoles ?

Gardenförs revient sur l'utilité de la moralité. Il veut y voir un avantage évolutionniste. La générosité par exemple profite à tout le groupe et les chances de survie augmentent.

 

6. L'aube du Langage

La différence décisive entre le langage humain et les signaux animaux réside principalement dans le fait que les signaux « se réfèrent uniquement à ce qui est présent dans l'environnement animal. »

La communication est un phénomène très tardif dans l'évolution, car la communication présuppose la conscience d'autrui et une conscience de soi.

Les recherches scientifiques semblent le confirmer : l'utilisation du langage chez les humains se fait en partie dans l'aire de Broca, une région du cerveau nettement plus tardive sur le plan de l'évolution que celle dont se sert les singes pour communiquer.

Les animaux n'utilisent pas de langage mais des signaux. « On pourrait expliquer cela grossièrement en disant qu'ils n'ont pas besoin de parler parce qu'ils n'ont rien à se dire. » Tous leurs besoins en communication se limitent à ce qui est actuel, donc passent par des signaux.

Les études sur les primates ont pu laisser entendre que l'apprentissage du langage était possible pour certaines espèces. Gardenförs met en garde contre ce genre de conclusion hâtive. Il évoque le cas du bonobo Kanzi qui a appris tout jeune (sur le dos de sa maman) un langage avec des signes. Kanzi n'était pas le destinataire des leçons mais s'y est intéressé spontanément. Il eut de meilleurs résultats que ceux qui ont appris avec un « appât »... Elle a réussi des test équivalents à ceux d'un enfant de 2 ans et demi. Mais, derrière l'enthousiasme des chercheurs qui l'étudiaient, Gardenförs relève les limites de la communication de Kanzi : pas de créativité, pas de phrase structurée comme celle d'un enfant de 2 ans, se limite toujours à ce qui est contextuel...

 

7 Les origines du Langage

La descente du larynx est survenue vers -250 000 (apparition de l'homo sapiens). « Elle rend la cavité buccale plus grande et, par conséquent, Homo sapiens peut produire plus de sons, en particulier les voyelles ». On situe donc l'émergence de la parole à -250 000.

Cette évolution n'est pas totalement positive pour l'espèce. Elle présente un désavantage, le risque de suffocation qui n'existe pas chez les singes (ils peuvent respirer et manger en même temps). Chez l'humain, cela est le cas pour les nourrissons de moins de 18 mois.

Gardenförs évoque la thèse originale de Robin Dunbar sur l'origine du langage, bien qu'il ne soit pas totalement en accord avec celle-ci. Ce qu'il en retient notamment c'est avant tout que le langage ne serait pas voué d'abord à la communication mais plutôt pour renforcer les liens sociaux. Dunbar affirme que l'origine du langage est liée à la transition vers une vie dans la savane. Les groupes hominidés sont plus exposés. Par conséquent, la taille du groupe doit s'accroître. Or, le développement de la taille des groupes implique que l'épouillage ne suffit plus.

Gardenförs semble reconnaître ce « rôle du langage en tant que lubrifiant social. Ce qui est important n'est pas ce dont nous parlons, mais comment nous le disons et à qui. Nous épouillons nos mondes intérieur, pas seulement nos épidermes. ». Le commérage résulterait de cette fonction primaire du langage...

Selon la Théorie du langage de Dunbar, sa fonction première serait d'exprimer des sentiments non rationnels. Dans la conscience tout n'est pas verbal : les gens ont souvent des difficultés à traduire leur pensées en mots. Cela signifie qu'il y a plus de pensée pure que de discours intérieur.

 

8. Extérioriser le monde intérieur

Dans ce chapitre, l'auteur aborde le langage écrit.

La mémoire externe

Certains peuples utilisaient la nature comme support de mémoire collective. C'est le cas encore des Péans de Bornéo : les fleuves, arbres remarquables, forêts sont autant de personnages du passé. La sculpture est également un support pour mémoire. La plus ancienne a été retrouvée en Israël : statuette de Berekhat Ram.

Aujourd'hui, toute notre mémoire est extériorisée à tel point que «  ce que nous appelons instruction dans le monde moderne implique surtout en réalité l'apprentissage de la gestion des systèmes de mémoire externe. ». Avec le développement rapide de ces systèmes (livres, internet,... ), l'homme moderne insuffle son savoir dans le monde externe. Le philosophe écossais Andy Clark écrivait : « Notre cerveau rend le monde intelligent afin que nous puissions être idiots en toute tranquillité »

Le langage écrit a nécessité plus de vocabulaire que le langage parlé. Car, dans le langage parlé, les mots font référence à un contexte, et l'intonation, les expressions faciales ou comportementales donnent aussi du sens. Tout cela manque dans le langage écrit et cela est compensé par un vocabulaire plus précis. (Cf. Critique du langage par Platon)

Donc, l'écrit n'est pas juste une transcription du parlé. Il existe des différences essentielles. Par exemples les marqueurs grammaticaux sont beaucoup plus importants à l'écrit pour éliminer toute ambiguïté.

Au départ, l'écrit ne servait qu'à la comptabilité et justice. (5000 avant JC) Ce n'est qu'au moyen âge qu'il a commencé à suppléé la parole pour la narration d'histoire (apparition tardive du roman...)

Les Grecs ont initié la discussion scientifique, le « débat ». Au lieu de présenter les choses comme un mythe ou dogme religieux, on présente arguments et contre-arguments.

Attitude nouvelle dans la connaissance : le Vous est sollicité. Il ne s'agit plus de l'opinion d'un individu. La connaissance doit se refléter dans l'esprit d'autrui. Le langage écrit a un rôle essentiel (cf. Saint Thomas d'Aquin, Somme théologique où l'auteur expose la religion à l'aide d'arguments et contre-arguments). Jusqu'au Moyen Age, la méthode du dialogue a été utilisée principalement pour les questions philosophiques ou religieuses. Puis transfert petit à petit à la science naissante.

« Des philosophes et des scientifiques tels que Francis Bacon, Galilée et Robert Boyle écrivent sur leur étude du Livre de la Nature. Le « vous » contre lequel ils argumentent n'est plus un autre individu mais la nature elle-même. La logique du débat est remplacée par celle des investigations expérimentales. On pense que la nature répond un « non » tonitruant ou un faible « oui » aux questions que sont les expériences »

 

 

 

Blog Philo-Analysis

Commenter cet article

À propos

PHILOSOPHIE, SOCIOLOGIE, POLITIQUE, HISTOIRE, EDUCATION, ENVIRONNEMENT, RECHERCHES EN SCIENCES HUMAINES